Se battre pour ses convictions

«L’agroécologie a fait de moi une propriétaire!»

Dans la région de Mtwara, tout au sud de la Tanzanie, les familles paysannes dépendent de la terre. Pourtant, celle-ci ne les nourrit pas. Avec des méthodes agroécologiques simples et peu coûteuses, elles peuvent sortir de la misère et obtenir plus que ce qu’elles n’auraient espéré. A l’image de Kuruthumu Muhidini, paysanne et désormais ambassadrice de l’agroécologie.

En bref

Pays, région:
Tanzanie, Mtwara
Durée:
Septembre 2016 - août 2020
Bénéficiaires:
6000 paysans et paysannes
Budget total du projet:
960'829 CHF

But

Le projet a pour objectif spécifique d’aider les petits exploitants agricoles à accroître leurs niveaux de production et de productivité de l’agriculture écologique. Ce projet contribue à la réalisation d’un objectif plus global: l’amélioration des moyens d’existence durables des petits paysans, l’accent étant mis en particulier sur les paysans, les femmes et les jeunes défavorisés.

Aperçu des projets

Madame Kuruthumu Muhidini est la mère de 3 enfants – Jamila Abdu, 16 ans, Hajibu Mustafa, 9 ans, et la dernière arrivée, Feisari Abuu, 1 an. La famille vit dans le village de Mkuyuni, dans la région sud du Mtwara, l’une des moins développées de Tanzanie. La plupart des familles paysannes sont pauvres, voire très pauvres, et vivent principalement de l’agriculture. Cette forte dépendance à la terre est dangereuse dans cette région qui enregistre les taux les plus bas de production par hectare.

Des bénéfices à court et long terme

Le projet, prévu pour 4 ans, forme des animateurs sélectionnés parmi la population, afin qu’ils aient une meilleure connaissance de leur environnement et sachent cultiver leurs champs. Le but étant qu’ils transmettent, à leur tour, leur savoir au sein de leur groupement paysan. Environ 6000 paysannes et paysans ont déjà bénéficié du projet Kuruthumu Muhidini.

En 2016, un an après avoir rejoint le programme SWISSAID, la jeune paysanne est sélectionnée par le groupement paysan dont elle fait partie pour devenir animatrice. Elle suit alors le programme complet de formation en agroécologie soutenu par SWISSAID Tanzanie, comprenant environ 25 jours de formation, des visites d’apprentissage et un coaching sur près de 2 ans. «J’ai appris les techniques agroécologiques, le bienfait des synergies entre les différentes cultures, et entre les cultures, les animaux et l’environnement», explique-t-elle fièrement au milieu de son champ. «Je tire désormais parti des semences locales et adaptées, des connaissances traditionnelles et des méthodes de culture locales.»

Kuruthumu Muhidini: «En 2 mots, j'ai réussi grâce à l'agroécologie»

Au service des paysans

La plupart des projets SWISSAID sont basés sur l’agriculture écologique, la solution la plus durable pour combattre la faim. «L’agroécologie permet de palier à la surexploitation des sols, diminue les coûts excessifs des engrais et pesticides, apporte une plus grande résilience face au climat et favorise les échanges entre paysans. Elle est la meilleure réponse aux besoins des paysans», explique Nicholaus Johaness, responsable du projet lancé par SWISSAID Tanzanie en 2016. Le but: fournir des connaissances, des méthodes et des outils agroécologiques aux familles de petits paysans et créer un environnement propice à l’apprentissage.

Environ 6000 paysannes et paysans ont déjà bénéficié du projet en Tanzanie qui a pour but de leur apprendre des techniques d’agriculture écologiques afin d’augmenter les rendements, et ainsi la sécurité alimentaire de la région. Ici, Kuruthumu Muhidini explique la fabrication de biopesticide.

Fausses croyances véhiculées

Au début, le mari de Kuruthumu a refusé de la soutenir et a même essayé de la dissuader. «Je ne veux pas que tu te lances là-dedans, c’est puéril de croire à cette agriculture, tu vas perdre ton temps !», martelait-il. A l’instar de nombreux paysans, il a eu de la peine à croire qu’une agriculture écologique serait plus rentable et productive que l’agriculture chimique intensive.

Et pour cause: la Tanzanie, comme de nombreux autres pays africains, encourage les entreprises agro-industrielles à investir davantage, avec pour première victime les petits paysans. Si cette présence accrue de l’agroindustrie mondiale offre d’importantes perspectives de croissance, elle pose également de sérieux défis aux paysans, car elle se concentre sur des variétés de semences hybrides standardisées de haute performance qui sont coûteuses et doivent, pour la plupart, être renouvelées chaque année. Elle vise aussi l’utilisation intensive d’engrais et de pesticides synthétiques, également coûteux, qui contribuent aux risques sanitaires et environnementaux.

Kuruthumu Muhidini a su tenir tête aux personnes qui ne croyaient pas en son projet, dont son mari. Avec raison. Elle est aujourd’hui ambassadrice de l’agroécologie et propriétaire d’une maison grâce à ses revenus.

Qui veut, peut

Malgré la méfiance de son mari et la pression du marché, Kuruthumu a tenu bon. La remarque de son mari a même eu l’effet contraire, en lui donnant la motivation suffisante pour réussir. Après la formation, la paysanne a commencé à appliquer ses nouvelles connaissances. Elle a diversifié ses cultures de maïs, riz, bananes et légumes, alterné avec son bétail, enrichi les sols d’engrais naturel, pratiqué l’association de cultures, et produit et utilisé ses propres pesticides bios. Victoire, sa production de maïs a augmenté! De 300 kg annuel par hectare, elle est passée à 1000 kg.

Elle peut désormais assurer la sécurité alimentaire de son ménage, emmener ses enfants à l’école, et a même pu économiser pour réaliser son rêve. La jeune femme a acheté un terrain au conseil municipal de Masasi, rue Kitunda, où elle construit une maison de cinq pièces destinée à être louée. «Je n’aurais jamais cru qu’un jour je pourrais acheter un terrain en ville en dehors de mes activités agricoles», explique-t-elle. «L’agroécologie a fait de moi une propriétaire!»

Aller plus loin

Et elle ne s’arrête pas là. La paysanne, entrepreneuse et mère de famille est déterminée à promouvoir l’agroécologie dans sa communauté et démontrer l’immense potentiel de cette technique pour l’autonomisation des petits paysans et l’amélioration de leurs moyens de subsistance.

La preuve ultime de son succès? En 2018, deux ans après ses premiers essais agricoles, son mari décide de rejoindre le programme. Il a commencé à pratiquer l’agroécologie dans ses champs de maïs et de sésame en 2019. Comme quoi, l’agroécologie a les arguments pour convaincre les plus réticents.

Votre don compte

Le paysan en Équateur. La mère de famille au Niger. Le garçon au Myanmar. La femme en Colombie. La famille en Tanzanie. L'homme au Tchad. La jeune fille en Inde. Le père en Guinée-Bissau. La paysanne au Nicaragua. Ils bénéficieront tous de votre don.