Dans le cadre du projet de révision du droit de la société anonyme, le Conseil national a examiné l’opportunité de contraindre les sociétés du secteur des matières premières à publier leurs paie-ments aux gouvernements des pays producteurs. Ces flux financiers, dont l’opacité n’est pas contestée, constituent des revenus essentiels pour le développement de nations où la population reste prisonnière de la pauvreté, en dépit des richesses qui y sont extraites. La transparence favorise une meilleure gouvernance des Etats et limite la tentation corruptrice des sociétés.

Le projet du Conseil national stipule que les sociétés actives dans l’extraction de matières premières doivent, sous certaines conditions, divulguer les paiements qu’elles effectuent auprès des gouvernements, notamment les taxes, les impôts et les redevances. En revanche, les transactions relatives à l’achat de matières premières sont exclues de ce nouvel article du code des obligations. L’option retenue est inconsistante, puisque le cœur de l’activité du secteur est, en Suisse, le négoce et non l’extraction. En conséquence, l’obligation de transparence ne devrait s’appliquer qu’à quatre sociétés sur les quelque 500 qui ont élu domicile entre Genève, Zoug et Lugano.

La Confédération abrite les plus grands négociants en matières premières au monde, qui opèrent dans des contextes où la corruption est souvent endémique, comme en ex-URSS ou en Afrique subsaharienne. Dans cette dernière région, une étude a montré que les sociétés suisses ont acquis pour plus de 55 milliards de dollars de pétrole brut auprès des gouvernements des dix principaux pays producteurs entre 2011 et 2013. Plusieurs cas de corruption à grande échelle sont actuellement instruits par les autorités de poursuites pénales helvétiques. En raison des risques de corruption « particulièrement élevés » que comporte le secteur du négoce, l’OCDE a récemment invité la Suisse à se doter « d’une régulation adaptée et contraignante ».

Au nom de la compétitivité de la place économique suisse, le Conseil fédéral avait écarté l’inclusion du négoce dans son message sur la révision du droit de la société anonyme. Il revient désormais au Conseil des Etats de décider si la Suisse doit assumer la « responsabilité particulière » qui, selon la formule du Conseil fédéral, découle de son rang de première place mondiale de négoce.

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