Après la publication du rapport de base sur les matières premières en 2013, le Conseil fédéral publie une nouvelle évaluation de la situation et propose 16 nouvelles recommandations. En comparant les recommandations des rapports de 2013 et 2018, on s’aperçoit que les mesures visant à soutenir la compétitivité ont plus que doublé (passant de 2 à 5) et que les recommandations sur la transparence ont été réduites. Le Conseil fédéral estime que la question de la transparence des paiements est réglée avec la nouvelle loi élaborée dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme. Ce nouvel article du code des obligations est pourtant largement inefficace étant donné qu’il exclut les sociétés de négoce et touche uniquement 4 des 544 sociétés du secteur suisse des matières premières.
Dans les principaux résultats mis en avant, le Conseil fédéral se félicite des progrès réalisés pour garantir un régime fiscal attrayant pour les entreprises. Cependant, ce nouveau projet de réforme fiscal (RFFA) empêchera de lutter contre l’évasion fiscale des multinationales suisses qui porte atteinte aux pays en développement. Le Conseil fédéral souligne également le succès de la réalisation d’un guide pour la mise en œuvre des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (UNGP). Certes, ce guide constitue un mode d’emploi intéressant pour aider les entreprises à mettre en œuvre les UNGP, mais il ne prévoit aucune mesure contraignante. De même pour le secteur de l’or, seules des recommandations floues et non contraignantes sont proposées. Leurs mises en œuvre dépendront donc uniquement de la bonne volonté des entreprises.
Le Conseil fédéral n’assume pas sa «responsabilité particulière»
A l’échelle mondiale, la Suisse constitue la principale plateforme de négoce des matières premières. Ces cinq dernières années, plusieurs études ont démontré que les multinationales suisses étaient impliquées dans des graves cas de corruption pour l’obtention de contrats pétroliers, des violations des droits humains et d’atteinte à l’environnement ainsi que des prêts peu avantageux conduisant des États pauvres dans le cycle de l’endettement.
Face au laxisme du Conseil fédéral, la communauté internationale s’interroge. Plusieurs rapports de l’OCDE mettent en avant les manquements de la Suisse et l’incitent fortement à «accentuer ses efforts de mise en œuvre de l’infraction de corruption transnationale» et à faire en sorte que le négoce des matières premières en Suisse fasse «l’objet d’une régulation adaptée et contraignante». Or, le Conseil fédéral fait la sourde oreille au péril de sa réputation. Il est davantage préoccupé par la concurrence des autres places de négoce et insiste sur l’instauration de règles du jeu identique (level playing field) dans le secteur. De plus, l’inquiétude du Conseil fédéral laisse perplexe car il reconnaît que les informations statistiques disponibles sont insuffisantes pour dresser un état des lieux représentatif du secteur».
Avant que la Suisse ne soit contrainte de prendre des mesures sous la pression internationale, il serait temps qu’elle assume sa «responsabilité particulière» et agisse en conséquence. Ceci passe notamment par: une transparence des paiements dans le négoce des matières premières, une législation plus conséquente pour lutter contre la corruption et une obligation de diligence pour les entreprises afin qu’elles respectent les droits humains et l’environnement, tel que demandé par l’initiative pour des multinationales responsables.