«J’ai été impressionné par la cohérence du travail de SWISSAID», a déclaré Benjamin Roduit, Conseiller national (le Centre), au terme de son voyage en Colombie. Encadrés par l’équipe de SWISSAID Colombie, ils étaient sept parlementaires suisses à visiter les projets de SWISSAID dans ce pays qui aspire à la «paix totale».

La délégation – composée de membre du Conseil national Fabian Molina (PS), également coprésident de SWISSAID, Jon Pult (PS), Martina Munz (PS), Corina Gredig (GL), Marc Jost (PEV) et Pierre-André Page (UDC) – a découvert un pays qui oscille entre progrès rapides et violence systémique. En effet, malgré la fin officielle de la guerre civile, la violence est en hausse depuis quelques années. Comme dans la petite ville de Morroa, dans le département de Sucre, où une personne meurt chaque jour des suites de violence, alors que la ville ne compte que 30’000 habitant-e-s.

Mettre fin à la violence envers les femmes

Dans ce pays empreint d’une forte culture machiste, la violence se manifeste avant tout envers les femmes. Un fléau quotidien qui met à mal les rêves de paix des communautés. Dans ce contexte, les parlementaires ont eu l’occasion de rencontrer la «communauté de prévention et de détection de la violence», 250 femmes et hommes qui, lassé-e-s d’attendre une action de l’État, ont uni leurs forces afin de mettre un terme aux violences basées sur le genre. Car comme elles et ils le répètent, «tant qu’il y aura de la violence à l’égard des femmes, il n’y aura pas de paix  possible.» La communauté travaille en étroite collaboration avec les écoles, les autorités, les hôpitaux et la police afin de sensibiliser la population aux conséquences néfastes de telles violences sur toute la société. Le réseau a déjà touché plus de 10’000 personnes.

Tant qu’il y aura de la violence à l’égard des femmes, il n’y aura pas de paix  possible.

Pas de paix sans droits fonciers

Un trajet en voiture sur des chemins sinueux amène la délégation jusque chez Arcelio et Jorge Monterroza, petits paysans résidant au cœur de la forêt tropicale sèche. Sous un soleil brûlant, l’oncle Arcelio et son neveu Jorge gagnent péniblement leur vie. Depuis des décennies, ils labourent une terre qui ne leur appartient pas officiellement.

Cette absence de propriété foncière légale maintient les familles de petits paysans dans une situation précaire. D’une part, les familles n’ont pas accès aux aides de l’État tels qu’un approvisionnement en eau ou l’éducation des enfants. De l’autre, les groupes de guérilla s’approprient illégalement les terres des paysan-ne-s. Pour mettre un terme à ces guerres civiles et obtenir des papiers fonciers légaux, des paysan-ne-s se sont regroupé-e-s en syndicats et en comités. Soutenu par SWISSAID et d’autres ONGs, ils ont déjà obtenu quelques succès.

En parallèle, SWISSAID améliore les conditions de vie des familles paysannes comme les Monterroza grâce à des méthodes agroécologiques. Ainsi, les familles ont accès à des aliments sains de qualité. En outre, les pratiques de culture durables renforcent leur résilience face au changement climatique qui se ressent toujours plus. En effet, en ce mois d’avril qui coïncide avec le début de la saison des pluies, le ciel reste sec. A l’instar des années précédentes.

Les parlementaires ont visité le domaine de Arcelio Monterroza, paysans du département de Sucre, qui a augmenté ses revenus grâce à l’agroécologie.

Une enfant de SWISSAID

Dans la petite ville de Sincelejo, les parlementaires font la connaissance de quatre représentant-e-s de la plateforme de jeunes «Agenda Caribe. Paz con Juventud» (Agenda Caribe. Paix avec les jeunes). La plateforme de jeunes s ‘engage à renforcer les droits des adolescent-e-s et des jeunes adultes à travers l’éducation et la participation politique. Pour ces jeunes politicien-ne-s, une chose est sûre: «La paix n’est pas l’absence de conflit armé. Elle ne sera possible que lorsque les gens auront à nouveau le droit à l’éducation, à la sécurité et à la liberté de choix et de mouvement.»

C’est le cas de Yina Ortega Benitez. A l’adolescence, la jeune femme a quitté son village natal pour échapper à un triste avenir. Sans possibilité d’étudier ni de trouver un emploi, elle avait toutes les chances de tomber dans la prostitution forcée. Si elle avait été un garçon, elle aurait probablement été recrutée de force par un groupe de guérilla. Grâce à SWISSAID, elle s’est réintégrée dans un nouvel endroit, a pu y étudier et trouver un emploi. Elle se revendique fièrement comme une «enfant de SWISSAID».

La Colombienne est même devenue conseillère municipale de sa ville, Palmito, dans le département de Sucre. Malgré les menaces de mort liées à sa position politique, entrainant une protection policière et le devoir de parfois quitter son domicile, elle n’envisage pas de se retirer: «Les jeunes sont le présent et l’avenir. Si on n’agit pas, ce pays n’a pas de futur.»

La délégation itinérante avec les quatre représentants de la plate-forme de jeunesse Agenda Cariba. Paix avec les jeunes.

Au premier rang: Walquiria Perez, responsable de SWISSAID Colombie, Martina Munz (SP), Markus Allemann, directeur général de SWISSAID, Maria Yeres et Fernando Luis Martinez Osuna, Yina Ortega Benitez, Corina Gredig (GL), Thaïs In der Smitten, porte-parole de SWISSAID,
A l’arrière-plan: Benjamin Roduit (au centre), Pierre-André Page (SVP), Fabian Molina (SP), Andreas Missbach, directeur général Alliance Sud, Jon Pult (SP), Guilbert Valencia.

Accroître l'engagement au lieu de le réduire

Les échanges avec les différentes actrices et les différents acteurs témoignent d’une véritable volonté de pacification. Nombre sont même prêt-e-s à risquer leur vie pour cela. Mais le chemin à parcourir est encore long, et le regain de violence dans le pays montre à quel point le processus de «Paz total» est complexe.

Alors que le Conseil fédéral remet en question l’aide helvétique aux pays d’Amérique latine, le travail de SWISSAID sur place fait d’autant plus sens. Une opinion partagée par le Conseiller national Jon Pult (PS): «Nous devrions élargir notre engagement en faveur du développement et de la paix en Amérique du Sud au lieu de le réduire!»

En 2016, le gouvernement colombien a signé un accord avec la guérilla les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Les FARC ont déposé les armes et sont aujourd’hui un parti politique. Malheureusement, l’État n’a pas réussi à combler le vide laissé par la faction et d’autres groupes paramilitaires ont fait leur apparition. Des pourparlers de paix sont en cours. La Suisse y participe activement en tant que médiatrice.